Pascale Z. 20 ans, mariée depuis à peine trois mois a péri dans le bus la transportant de Lattaquieh à Alep à la suite du bombardement, par des bandes de l’Armée Syrienne “Libre”
Appel au peuple de France
Peuple de France, Très cher peuple frère et ami, je vous dis : « Prenez garde aux informations qui vous sont communiquées ; elles sont partielles et obéissent à des considérations qui négligent l’humain ». « Ne dites pas, concernant la Syrie, je n’ai pas besoin de m’inquiéter, les médias et les politiques pensent pour moi ».
Tentez plutôt de discerner ceux qui méritent votre confiance. Soyez vigilants…Ouvrez les yeux…Levez-vous pour dire non au massacre du peuple syrien. Quotidiennement des centaines de victimes sont atteintes : les morts gisent et les blessés désespèrent.
Peuple de France, ce texte est un appel pressant à nous soutenir. Nous sommes les chrétiens de Syrie et nous souhaitons continuer à vivre la convivialité avec l’Islam de laquelle cette guerre et ses initiateurs cherchent à nous éloigner.
Le régime syrien actuel a ses erreurs, ses imperfections, ses injustices, ses abus, sa corruption mais nous découvrons que tout cela est faible devant la guerre que nous vivons et pâle face à la promesse totalitaire que nous est faite à travers le comportement des éléments de l’Armée Syrienne dite « Libre ».
Chrétiens de France…dites-nous…pourquoi le réveil de la solidarité est-il si lent ? Pourquoi l’expression de votre charité n’est-elle pas plus manifeste ? Savez-vous que notre sort ressemblera bientôt à celui des chrétiens d’Irak et de Terre-Sainte ?
Peuple de France voici notre dernier cri pour vous appeler et vous supplier. Que les sages, les penseurs, les ouvriers, les pauvres, les jeunes et les moins jeunes parmi vous ne s’enlisent pas dans l’indifférence mais apprennent à réveiller en eux le feu de la Foi et les promesses de la République.
Lettre ouverte
Monsieur le Président de la République Française, Monsieur le Ministre des Affaires Etrangères,
A l’image de nombreux Syriens, je me retrouve père d’une victime de la guerre qui se déroule dans notre pays. Pascale avait vingt ans lorsque le 9 octobre dernier, le bus public qui la conduisait fut l’objet d’une attaque dans laquelle elle périt, assassinée par une bande armée reconnue comme faisant partie de l’Armée Syrienne « Libre » que vous soutenez, encouragez et alimentez depuis le début du mouvement.
Des raisons d’Etat vous poussent peut-être à prendre position en faveur de l’Armée Syrienne « Libre » (ASL) mais ne clamez surtout pas que c’est pour libérer le peuple syrien de la dictature. Le régime syrien actuel et son appareil politique n’est pas tendre, nous le savons depuis longtemps, mais les « bandes » de l’ASL associent également l’arbitraire à la brutalité ; ce mouvement porte en lui les germes d’une nouvelle dictature qui nous fera certainement regretter la précédente.
Sous des slogans généreux de liberté, de démocratie et de participation au pouvoir, vous avez, avec vos alliés, encouragé l’introduction sur notre territoire de groupes extrémistes, salafistes et autres éléments de la mouvance d’Al Qaïda qui viennent tuer et se faire tuer chez nous en détruisant ce qu’ils peuvent sur leur chemin ; pourquoi donc nous les avoir envoyés ? Les Occidentaux n’auraient-ils plus assez de courage pour les affronter eux-mêmes ? Si votre but est d’anéantir la Syrie pour protéger Israël, croyez vous vraiment que réduire le peuple syrien à la ruine et la misère va le pacifier et sécuriser Israël ?
Vos prédécesseurs, y compris les révolutionnaires de 1789 ont toujours apporté soutien et protection aux minorités chrétiennes de Syrie et d’Orient. Aujourd’hui vos prises de position ont un effet contraire et aboutissent à leur éradication. Croyez-vous en éradiquant les chrétiens apporter la civilisation ?
Qu’il est étonnant de constater comment en peu de temps, la politique française a réussi à nous faire douter du sens de sa révolution et de son emblème : « liberté, égalité, fraternité » ! En Syrie, votre politique, au sens de la pratique du pouvoir, a introduit l’arbitraire ; nous pouvons la résumer par un autre slogan : liberté et égalité en Syrie, oligarchie et privilèges au Qatar. Quant à la fraternité, elle régnait chez nous au sein du peuple et voilà que vous avez encouragé la guerre confessionnelle fermant les yeux sur les discriminations flagrantes qui se pratiquent dans d’autres pays arabes notamment en Arabie-Saoudite.
On nous dit que le Christianisme n’a plus cours dans votre pays, mais l’on ne voit guère apparaître une philosophie plus généreuse et plus cultivée que la religion qui a bâtit les cathédrales. En quelques mois, vous êtes parvenus avec vos alliés à transformer la fraternité islamo-chrétienne syrienne, que l’on doit à ces deux religions, en une guerre presque confessionnelle. Et pourtant, cette entente, est la garante d’un islam tolérant qui aurait pu se répandre dans le monde.
En échange, la guerre que nous vivons, par la volonté de l’ASL et de ses alliés semble transformer la coexistence en hostilité qui se répandra dans le monde avec une plus grande élasticité que l’entente. Soyez-en presque certains, les troubles que nous vivons actuellement, vous allez les vivre bientôt. Qu’entend-on dans les rues d‘Alep ? « Après la Syrie, l’Europe ».
L’islam modéré est très fragile car le prophète met en garde les musulmans contre une alliance avec des non-musulmans pour s’opposer à des musulmans. En laissant proliférer l’islam intégriste vous fragilisez encore plus, les musulmans modérés. Vous jouez même contre-eux. L’islam intégriste a toujours le dernier mot car les modérés sont faibles et paralysés par les versets du coran dans la lutte contre les extrémistes.
Le proverbe arabe dit : « Qui prépare un repas vénéneux est le premier à mourir car il doit le goûter » ; le proverbe français ne dit-il pas “Bien mal acquis ne profite jamais” ? Les Etats-Unis ont créé Ben Laden, ils ont eu le 11 Septembre.
Certes, bien des raisons inviteraient les chrétiens syriens à se distancer de l’appareil du régime syrien actuel, mais je puis vous dire que nous, syriens chrétiens, nous ne voyons guère de raisons de détruire notre pays et de laisser tuer nos enfants pour passer d’une corruption à une autre qui serait tout simplement au service d’autres intérêts.
Mieux vaut garder la politique que nous tenons plutôt que d’en suivre une autre que nous ne pressentons guère meilleure. Votre politique n’est rien d’autre qu’un encouragement à l’installation d’un Etat confessionnel en Syrie avec adoption de la loi coranique. Le Président Mursi, membre des frères musulmans, à l’instar de ceux qui sont promis en Syrie, n’a-t-il pas exprimé son intention d’imposer la « Charia » même aux Chrétiens d’Egypte ? Lorsque nous l’aurons chez nous, grâce à vous, il n’y aura plus qu’à vous la souhaiter et la souhaiter à vos femmes.
Pourquoi cette lettre ouverte d’un père atteint dans ce qu’il a de plus cher ? Est-ce pour exprimer un cœur meurtri par le chagrin ou bien pour que cette meurtrissure clame tout haut ce qu’un cœur tiède et indifférent est incapable de suggérer ?
Monsieur le Président de la République Française, Monsieur le Ministre des Affaires Etrangères, admettez que je vous invite à une réorientation de votre politique pour en déployer une plus courageuse et plus virile.
Admettez que mon invitation soit une supplication mais ne restez pas plus longtemps des suppliés. Au nom de la liberté et de ce qu’il en reste, au nom de l’égalité et de ce qu’on en a fait et au nom de la fraternité humaine réduite en miettes, je vous supplie, avec des milliers de proches, d’arrêter de soutenir et de financer ces bandes armées qui proclament que votre tour arrive après le nôtre.
Ayez pitié de familles blessées et désarmées, des familles en deuil, des familles qui n’ont plus de toits, des jeunes par centaines de milliers qui n’ont plus d’espoir.
Avez-vous vu comment Alep, la cité ancienne est devenue une ville fantôme ? Vous êtes-vous seulement imaginé Paris, ville fantôme, où des centaines de milliers de familles françaises cherchent refuge pour éviter les tirs et les obus de l’arbitraire, du fanatisme et de la brutalité ?
Vos alliés sur place se sont acharnés sur Alep avec ses bazars qui ont alimenté l’Europe durant des siècles ; ils se sont attaqués à des ruines. La basilique Saint-Siméon entourant la colonne du célèbre stylite l’ancien, est désormais une ruine de ruines. Des dizaines d’Eglises, des Mosquées, des usines, des écoles, des universités ont été la cible de leurs tirs et que dire des trésors archéologiques qui sont volés et dispersés pour nous apporter la démocratie !
Nous vous en supplions, Monsieur le Président de la République Française, Monsieur le Ministre des Affaires Etrangères de la République Française, cessez votre soutien aux éléments armés qui n’obéissent à aucune loi et revenez à ce qui a fait la gloire de la France.
Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président de la République Française, Monsieur le Ministre des Affaires Etrangères de la République Française, l’expression de ma très haute considération.
Dimanche 14 octobre 2012
Claude Zerez
Père de Pascale décédée à Homs à l’âge de 20 ans le 9 octobre 2012.
11 décembre 2012
Contrôle population et Armes, Crimes de Guerre, Terrorisme, Guerres et Conflits, Iran, Syrie, Nouvel Ordre Mondial